La Croix-Rousse, le 5 décembre 2018
Cher David,
Permettez que je m’adresse ainsi à vous, tant il est vrai qu’à
force de cumuler les fonctions, rôles et responsabilités, je ne sais plus
comment marquer une déférence à laquelle vous attachez la plus grande importance : président, maire, marcheur après avoir été secrétaire fédéral
du PS, putschiste après avoir été dauphin putatif.
Après quatre années passées ensemble au sein du
Conseil de notre belle Croix-Rousse, je
préfère en effet cette salutation presque amicale pour répondre au joli compliment républicain dont vous
avez bien voulu me gratifier hier soir lors de notre réunion publique
mensuelle : « populiste ! »
Pourtant, vous le savez, lorsqu'un responsable politique n’a
plus aucune réponse à fournir, lorsqu'il est acculé dans ses retranchements, lorsqu'il a lui-même voté le règlement qui lui permet
de clore tout débat de façon unilatérale, il cède souvent à la tentation d’affubler son interlocuteur de ce sobriquet à la mode.
Merci donc, cher David, pour ce qui est sans doute pour vous
l’ultime anathème mais qui résonne pour moi comme la reconnaissance de la
pertinence de mes questions.
Vous avez engagé 206 000 euros à «la démarche
participative, l’expérimentation de scenarii d’aménagement in situ et la
réalisation de travaux » de la petite place de la Croix-Rousse. Cette somme produira-t-elle des
aménagements définitifs ? Fallait-il pour ce faire l’intervention de tant de
prestataires (urbaniste, sociologue, spécialiste de la concertation,
spécialiste du design, …) ? Ne pouvait-on pas concerter et expérimenter de
façon plus économe, en recourant notamment aux compétences des 17 000 agents que
comptent la Métropole et la Ville de Lyon ? Enfin, à quelques mois d’une
échéance municipale, ne craignez-vous pas que cette opération apparaisse comme
un coup de pub électoraliste payé sur fonds publics ?
Au lieu de répondre point par point, vous avez préféré céder à la facilité et m’accuser de populisme.
Vous me traitez publiquement de "populiste" ? Ah non, c'est un peu court, jeune homme !
Permettez-moi de vous
retourner ce compliment dans une République qui a pour principe le « gouvernement
du Peuple, par le Peuple et pour le Peuple » et de vous inviter à créer
les conditions d’une vraie démocratie locale qui commencerait déjà par un bon fonctionnement de votre Conseil d'élus.
Vous nous avez aussi demandé pourquoi nous ne participions pas activement aux débats publics organisés dans le cadre de ces concertations. La réponse est pourtant évidente mais vous n’avez pas accepté de l’entendre : le lieu du débat entre élus de la Croix-Rousse est le conseil du 4eme arrondissement que vous avez transformé en une chambre d’enregistrement.
Vos responsabilités et
celles auxquelles vous semblez tant aspirer, exigent que vous infléchissiez vos
comportements pour développer les vertus politiques qui vous manquent encore aujourd'hui : la force d’argumenter vos choix, la justice dans vos décisions, la prudence
dans vos propos et la tempérance à l’égard de ceux qui ne sont pas vos ennemis
mais tout du moins vos contradicteurs. Certains de vos amis pourraient rajouter le respect de ceux qui vous ont fait
confiance.
Si votre destinée vous porte
là où votre ambition regarde assidûment, vous devriez faire preuve de moins de
mépris envers « ceux qui ne sont rien » ou presque.
Sachez que, n’ayant obtenu
de réponse à mes questions, je vous les reposerai.
Ainsi, cher David, vous aurez une nouvelle occasion de prouver que vous avez
bien l’étoffe d'un chef politique, ouvert aux débats et à la confrontation des idées, et d’un
responsable d’une grande collectivité alors même que, dans vos propres rangs, certains
en doutent ouvertement.
J’espère que cette lettre aura pour effet de clarifier nos relations, en recherchant l’intérêt général que nous
servons tous deux.
Salutations républicaines.
Josselin EDOUARD
Elu du 4ème arrondissement de Lyon
Post-scriptum : suite à l'envoi de cette lettre à l'intéressé, David Kimelfeld m'a demandé par écrit "d'accepter (ses) excuses sur le mot populiste qui ne s'applique pas à vous". Et de me proposer de nous rencontrer en début d'année. J'ai été surpris mais sensible à sa réponse qui témoigne d'une aptitude peu commune à ce niveau de pouvoir. J'attends donc (et encore) cette belle rencontre, promise à l'issue d'un Conseil d'arrondissement.